Après un mot de bienvenue, Christophe Leparq a donné la parole à :
Maître Paul Henri ANTONMATTEI, Associé BARTHELEMY AVOCATS & Professeur à l’Université Montpellier I
Maître Franck MOREL, Associé BARTHELEMY AVOCATS
Les deux avocats ont commenté les réformes en cours, notamment:
- Le Compte Personnel de Formation
- La réforme de la pénibilité
- La réforme des Instances de Représentation du Personnel
- La loi Macron
LE CPF, COMPTE PERSONNEL DE FORMATION
Le CPF est l’un des aspects de la loi sur la formation et reprend l’idée de la flexi sécurité. « new deal social du 21 siècle » selon Paul-Henri Antonmattei.
La flexi sécurité offre aux entreprises une marge de manœuvre pour faire face aux mutations économiques et sociales. Pour les salariés, il s’agit d’un nouveau paradigme dont l’acte fondateur était la réforme de 2008. Pour réussir la mise en place du CPF, il faudra faire un effort de pédagogie. « Si on n’explique pas le sens de la réforme, on va dans le mur. » Ne nous y trompons pas, le CPF n’est pas la suite du DIF.
Le CPF fait de la formation un élément de sécurisation professionnelle. Charge au responsable formation ou DRH de tenir un discours enthousiaste et de convaincre le salarié de la nécessité de sa mise en œuvre.
La loi fixe à six ans le délai pour que le salarié bénéficie d’au moins une formation. La sanction, si la formation n’est pas effectuée, est de 3000 euros. (voir le site www.moncompteformation.gouv.fr)
Le CPF s’inscrit dans un cadre réglementaire qui existe déjà, il participe d’une politique globale de formation. Les formations qui entrent dans le cadre du CPF doivent être utiles. Elles permettent à l’employeur d’adapter le salarié aux mutations de son métier. Notons que les obligations du salarié et de l’employeur sont réciproques. Expliquons aux salariés que le monde du travail évolue. Non que la formation soit une issue à la crise mais c’est un des outils qui permettra de s’en sortir au mieux sur le marché du travail.
La formation est un sujet qui revient régulièrement dans le cadre juridique, peut-être parce que nous ne sommes pas allés au bout de la logique pour réformer le système en profondeur. On continue donc de procèder par petites touches.
Les différentes réformes, en 2004, en 2009 et la plus récente ont pour ambition de former ceux qui en ont le plus besoin.
La formation représente 30 à 35 milliards d’euros dont 6 à 7 sont collectés par les OPCA. Le domaine est soumis à différents enjeux de pouvoir – entre les entreprises, les partenaires sociaux et l’état – et les circuits de financement sont complexes.
Un constat s’impose : la formation profite aux plus formés et pas aux salariés des TPE
Quelles sont les grandes lignes de la dernière réforme :
- On passe d’une logique d’imputation à une logique d’obligation de former. Autrement dit, la réforme tend à favoriser l’obligation d’adaptabilité à l’emploi.
- L’entretien professionnel doit être mené tous les deux ans et annoncé au moment de l’embauche.
- Le DIF n’était pas financé, le CPF l’est en partie. Les salariés devront être informés du nombre d’heures restantes qui basculeront sur le CPF.
- Ce qui est financé est la formation, mais pas la rémunération des salariés en formation.
- La majorité des dispositifs de formation vont vers des formations qualifiantes. Le salarié devient donc acteur de sa formation et doit identifier des formations en accord avec ses besoins.
- Le « socle de compétences » devrait être disponible en janvier.
Relevons l’antagonisme de point de vue entre l’employeur et le salarié : l’employeur préfère voir le salarié se former en dehors des heures de travail quand le salarié ne souhaite pas mener sa formation en dehors du temps de travail.
Reste à définir comment les entreprises se positionneront en matière d’abondement. Quels critères seront retenus? La question se posera au niveau des entreprises et des branches professionnelles.
REFORME DE LA PÉNIBILITÉ
Le sujet est ancien; il avait déjà été abordé en 2003 lors de la réforme des retraites.
La négociation de 2008 a permis quelques avancées avec, notamment la caractérisation de la pénibilité en dix critères, issus de la négociation avec les partenaires sociaux.
Les critères sont basés sur les effets sur la santé.
Il existe deux écoles de pensée :
- Il faut objectiver le critère de pénibilité et les effets sur la santé, donc faire les constats médicaux. La réforme de 2010 était basée sur ce concept.
- La réforme actuelle est basée sur le constat d’exposition. On raisonne par « seuil d’exposition à lapénibilité dans une logique d’accumulation de points. Ces points serviront 3 buts : se former, passer d’un temps plein à un temps partiel, gagner points retraire.
La question qui demeure en suspens : certains facteurs (parmi les 6 restants) vont-ils disparaitre ? Va-t-on basculer vers une logique métier (où l’on obtiendrait certains droits liés au métier mais cela recréait un régime spécial)
Si le concept même de pénibilité est pertinent, il est malheureusement mise en œuvre « d’une façon grotesque » selon Paul-Henri Antonmattei.
Par exemple, 20% des salariés sont concernés par un compte pénibilité donc pourraient partir en retraite plus tôt alors que l’âge de la retraite va et doit évoluer.
Le raisonnement par seuil peut induire de nombreux effets pervers, par exemple, l’employeur comme le salarié pourraient choisir de ne pas mettre en place les équipements de protection individuelle requis afin de favoriser un départ précoce.
La réforme pose aussi la question de l’égalité de traitement.
Quels métiers seront en phase avec les critères de pénibilité, lesquels ne le seront pas? Devrait-on faire une évaluation collective ou individuelle ?
Quels contrats permettent de bénéficier de points de pénibilité? Aujourd’hui, un contrat de moins d’un moins n’ouvre droit ni à cotisation ni au gain de points. Pour une durée de un à trois mois, les cotisations sont possibles mais pas l’accès aux points.
D’autre part, comment ce nouveau système va-t-il se conjuguer aux systèmes en place dans les entreprises?Une règle qui s’impose à tous n’est-elle pas la négation des accords d’entreprise ou des accords de branche ?
IRP : QUALITÉ ET EFFICACITÉ DU DIALOGUE SOCIAL
Les discussions en cours portent notamment sur les points suivants :
- La sécurisation du parcours syndical. Il n’y a pas de bons accords sans bons négociateurs. Il est donc nécessaire que les délégués syndicaux puissent se former et valoriser leur parcours syndical.
- La simplification de la représentation du personnel. Il conviendrait de fortifier les structures existantes plutôt que d’en créer de nouvelles. Le CE (Conseil d’Entreprise) et le CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) pourraient se regrouper.
Mais quid des TPE. Faut-il une représentativité des TPE ?
Projet de LOI MACRON
Il sera examiné à l’Assemblée Nationale à partir du 22 janvier.
Il porte, en matière sociale, principalement sur trois points :
- Travail du dimanche et de nuit : 180 activités bénéficient aujourd’hui de dérogations de plein droit. La logique sociale s’articule avec la logique concurrentielle. Il existe aujourd’hui environ 600 zones définies comme touristiques, la loi prévoit la création de zones touristiques internationales.
- Licenciement économique : Le reclassement se ferait au plan national et non plus international.
- La réforme Prud’homale a pour but de faire diminuer le nombre de contentieux. La rupture conventionnelle du contrat de travail apportait déjà une réponse à cette question mais il convient d’aller plus loin et d’accélérer les procédures prud’homales. Avec 15 mois en moyenne pour porter un dossier au tribunal, nous ne sommes plus dans les critères européens. Se pose aussi la question de la formation des conseillers prud’homaux. Désormais, celui qui ne se forme pas sera considéré démissionnaire. Enfin, troisième axe de la réforme, la création d’une chambre arbitraire du travail pour les cadres dirigeants qui n’ont pas leur place aux Prud’hommes. Enfin, il est important de noter qu’il n’y a pas de remise en cause du paritarisme.